Avec la crise du Covid-19, l’action étatique est au cœur du débat public tandis que les pays occidentaux doivent désormais jongler entre la gestion de l’épidémie et les plans de relance massifs attendus pour la rentrée. Mais en a-t-il toujours été ainsi des responsabilités de l’État ? Jusque récemment dans l’histoire, l’on s’étonnait qu’il eût « revêtu l’uniforme d’une assistante sociale » (F. Mauriac en 1950) en s’attribuant des prérogatives inédites. En effet, celui-ci semble avoir tendu à remplacer le rôle des anciennes structures sociales traditionnelles dans la vie collective des Européens. L’article qui suit vise à interroger les mutations et le sens de l’action sociale étatique sur la période 1880-1960, alors que cette dernière est aujourd’hui mise à l’épreuve par la crise mondiale.
Introduction
Les épithètes accolées à l’État contemporain sont nombreuses ; « État-providence », « État-nation », etc. Si ces concepts permettent une représentation plus aisée de ce que peut être l’État, ils sont en revanche insuffisants pour décrire concrètement la réalité de son rôle et font souvent figure d’abstractions en dehors desquelles la réflexion n’est pas possible. En effet, le rôle proprement « social » de l’État peut difficilement être l’exclusivité d’une seule étiquette. Il nous faut pourtant délimiter thématiquement et chronologiquement ce qui fait de l’État en Europe occidentale un acteur social. En tant qu’organisation politique, ce dernier représente une autorité d’où émane un pouvoir de contrainte collective qui s’exerce généralement dans la recherche du bien commun. À partir de cette première définition, nous pouvons établir que c’est cette recherche présumée du bien commun, ou bien public, qui fait l’essence de l’action sociale étatique. Si la notion d’État-providence laisse une large part au rôle de l’économie en tant que levier social, elle occulte d’un autre côté les outils régaliens (sécurité, justice, ordre public) qui ont tout autant d’importance pour faire société. L’État-nation quant à lui est utile pour décrire le rapport individus-État sous un prisme politique, mais semble trop abstrait pour saisir les assises territoriales de l’action sociale. Tous ces concepts, globalement communs dans l’Europe occidentale, éludent toutefois de nombreuses thématiques qui sont facilement « solubles » dans l’histoire : l’évolution de la violence, de l’éducation, des mœurs, des perceptions… Il s’agit aussi de distinguer ce qui est proprement imputable à l’action de l’État et ce qui est simplement le résultat des transformations profondes des sociétés. Nous devons également interroger les raisons pour lesquelles l’État décide de s’octroyer un rôle aussi coûteux, ce qui le motive à mener une politique de bien-être plutôt qu’une stricte et exclusive politique de puissance. L’étude comparative entre pays européens est quant à elle nécessaire pour révéler les similitudes et les ruptures entre les territoires concernés. Enfin la période étudiée, de 1880 à 1960, est approximativement bornée par deux grandes révolutions sociales lourdes de conséquences pour les États : la Seconde Révolution industrielle d’une part, et les Trente Glorieuses d’autre part. C’est dans cette période que les États européens occidentaux prennent de plus en plus part à leur rôle social.
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