La « pire crise économique depuis la Grande Dépression ». Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, pronostiquait ainsi le 9 avril dernier l’avenir économique du monde, suite à la pandémie mondiale de Covid-19. En parallèle, de nombreux observateurs de tous bords politiques pointaient du doigt le rôle de la mondialisation dans l’aggravation de la crise tandis que d’autres militants, plus radicaux, prescrivait même sa disparition pour le « monde d’après ». Progressivement, l’héritage de la crise des années 1930 s’est d’ailleurs imposé dans le débat public pour décrire la situation de 2020 et établir une filiation. Est-ce une erreur d’analyse ? Quel a été le rôle réel de la mondialisation ? Cet article de synthèse vise à éclairer les différentes causes de la crise de 1929, dans un débat public qui tend à confondre héritage des causes et héritage des effets.
Introduction
La crise des années 1930 est considérée par l’historiographie comme la première grande crise économique mondiale, si bien qu’elle sert souvent de référentiel pour les crises postérieures ; la recherche de ses causes devenant une sorte de « quête du Graal » [B. Bernanke]. Deux choses en ressortent : le caractère exceptionnellement aigu de la crise et l’illustration qu’elle fait de l’échec d’un « certain capitalisme » [B. Gazier]. Or rien n’est moins débattu que la nature exacte de la crise, d’autant que les causes attribuées à « l’échec » diffèrent selon la position idéologique des contradicteurs à propos de ce « certain capitalisme » ; doit-on la crise aux contradictions du modèle capitaliste ou bien à une conjoncture particulière ? La mondialisation, en tant qu’elle est admise comme un processus d’extension du capitalisme, est donc tout autant soumise à cette confrontation d’interprétations. Il est par ailleurs juste de faire intervenir le concept de mondialisation pour une crise qui se démarque par son caractère mondial : le krach boursier de 1929 marque à l’avis général le début d’une longue période de dépression, qualifiée de « Grande », qui s’étend largement en Europe et dans d’autres pays du monde jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Il convient ainsi d’extraire la réflexion du point de vue « américano-centré » pour l’orienter vers un cas presque aussi exemplaire : les économies européennes. Cela nous permettra en effet d’aller au-delà du schéma habituel selon lequel la dépression part des États-Unis avant d’être diffusée dans le monde entier par la puissance de l’économie dominante, afin de penser plus en profondeur les différentes théories qui entourent les causes de la crise : y a-t-il d’autres facteurs épidémiques que la simple intensification des échanges associée à la mondialisation ? Enfin, pour penser la tension qui travaille les économies européennes durant les années 1930 à travers le prisme de la mondialisation, nous devrons observer les réactions politiques de ces dernières, les solutions proposées, et ce afin de mieux saisir la nature du problème auquel elles essayent de répondre. Du moins, essayer d’observer directement à travers l’œil des contemporains (l’opinion publique et la classe politique) si la crise des années 1930 a été identifiée par eux comme une crise de la mondialisation ou non.
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