Donald Trump n’a pas été réélu président dans ce qui aura été l’une des élections américaines les plus tendues de l’histoire des Etats-Unis. Les diverses réactions des chefs d’Etat du monde entier à l’élection de Joe Biden dénotent de l’importance de cette élection dans les relations internationales
Donald Trump, élu en 2016 avec son slogan, « America First », est l’un des président les plus controversés des Etats-Unis. Entré en politique en 1980, homme d’affaire, et éternel showman, il amène le parti républicain au pouvoir en battant Hillary Clinton. Sa politique étrangère, menée par Mike Pence dès 2018, détone par son style particulier par rapport aux usages en vigueur.
Politique du tweet, imprévisibilité, franc-parler … : que peut-on conclure de ces quatre années mouvementées de politique étrangère ?
Afin de répondre à cette question, nous tenterons dans une première partie de caractériser la politique étrangère de Donald Trump. Puis nous nous pencherons sur sa politique étrangère concernant le Proche et Moyen-Orient, entre engagements, désengagement et tensions. Une troisième partie mettra en lumière les relations économiques entre les Etats-Unis et la Chine, qui relèvent également du domaine de la politique extérieure.
I – Unilatéralisme et imprévisibilité : comment caractériser la politique étrangère sous Trump ?
Il est difficile de définir précisément la politique étrangère de Donald Trump depuis 2016. Ni entièrement isolationniste, ni totalement interventionniste, elle est surtout marquée par une grande imprévisibilité et par un franc-parler qui en a froissé plus d’un. Une politique portée par la fameuse « politique du Tweet » : 61,1 millions d’abonnés en 2019, de jour comme de nuit, et à coup de lettres capitales et de tonitruants messages, le compte Twitter de Donald Trump, souvent censuré durant la campagne électorale fut de loin l’outil de prédilection du 45ème Président américain. En 2018 par exemple, ce sont 3 556 tweets qui ont été publiés par celui qui s’est présenté en 2017 comme « le plus grand écrivain de phrases de 140 caractères au monde ».
C’est dans son discours à l’ONU que Donald Trump a défini sa vision des relations internationales, le 19 septembre 2019 : dans ce discours, il précise à la fois le rôle des Etats-Unis dans le monde, mais également ses ennemis : des régimes voyous, la Corée du Nord, qu’il menace de « détruire totalement », l’Iran, le terrorisme… Tout en présentant les Etats-Unis comme un pays fort, résilient et déterminé, il revendique également la souveraineté de son pays, et réitère sa promesse de campagne : « America First ». Il ajoute dans ce discours :
« Les Etats-Unis seront toujours un grand ami du monde, et surtout de leurs alliés. Mais nous ne pouvons plus être ceux dont on profite ni accepter d’accords aux avantages unilatéraux qui n’offrent rien en retour aux Etats-Unis ».
Discours du 19 septembre 2019, Donald Trump, Organisation des Nations-Unies
Donald Trump ne souhaite ainsi plus jouer le rôle de « gendarme du monde », et ce pour des raisons purement financières. C’est ce qu’il affirme dans un discours en Irak en 2018, estimant que les pays alliés des Etats-Unis utilisent l’ « incroyable armée » américaine, sans payer … et qu’il est temps de le faire. Une politique étrangère dominée par l’argent, donc.
Trois grandes caractéristiques peuvent être attribuées à la politique étrangère des Etats-Unis entre 2017 et 2020 : le nationalisme, la compétition stratégique, et surtout l’unilatéralisme, cette attitude consistant pour une puissance à décider d’une action sans prendre en compte le point de vue d’autres puissances concernées ou institutions internationales, telles que l’organisation des Nations Unies.
Un unilatéralisme qui définit bien la politique extérieure de Donald Trump, preuve en est du retrait américain de nombreux accords internationaux et programmes emblématiques : le 1er juin 2017, le président américain retire son pays des Accords de Paris sur le climat, accord que Joe Biden s’est promis de réintégrer dès le début de son mandat. Ce retrait de la part de Donald Trump est justifié par sa volonté de mettre l’Amérique et les américains au premier rang : il estime en effet que les Accords de Paris auraient des effets négatifs sur les travailleurs et l’économie de son pays, et qu’il confère aux autres nations signataires un avantage déloyal.
Le 8 mai 2018, il retire les Etats-Unis des Accords de Vienne. Ces accords, conçus en 2015 sous Obama, et signés par l’Iran, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine et l’Allemagne, prévoyaient que Téhéran réduise ses activités nucléaires. En échange, les sanctions internationales à son égard seraient levées progressivement. En retirant les Etats-Unis de cet accord, Donald Trump a réactivé les sanctions américaines contre ce régime qu’il considère comme un ennemi de la paix. En réponse, Téhéran poursuit l’enrichissement de son uranium, et continue d’utiliser des centrifugeuses plus puissantes que la norme autorisée, rendant pour ainsi dire les Accords de Vienne caducs.
Donald Trump a également retiré les Etats-Unis du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, mais aussi de l’Unesco, et du Pacte mondial pour les réfugiés. On se souvient d’ailleurs qu’au tout début de son mandat, il avait instauré le « Muslim Ban », interdisant l’accès à son territoire de réfugiés venant de pays à majorité musulmane pendant 120 jours.
II – Le Proche et Moyen Orient : entre engagements, désengagements et tensions
L’une des promesses de campagne de Donald Trump consistait à mettre un terme aux « guerres sans fin ». Promesse tenue en septembre 2020, avec l’annonce d’une réduction de la présence militaire américaine en Irak. Suite à la guerre d’Irak, de 2003 à 2011, les Etats-Unis avaient momentanément quitté le pays avant de revenir en 2014 pour épauler leurs alliés (Irak et Syrie) contre l’Etat Islamique. Environ 5000 soldats américains, et 2500 soldats de la coalition étaient jusque là présents sur le territoire irakien. En 2020, ces soldats américains étaient la cible croissante d’attaques de la part de factions pro-iraniennes. C’est donc dans ce contexte que Donald Trump annonce début septembre la diminution de ses troupes, et le rapatriement d’environ 5200 à 3000 soldats.
Toutefois, ce désengagement partiel de la part du président américain ne représente qu’une part infime de sa politique extérieure vis-à-vis du Proche et Moyen-Orient. En effet, dès son mandat en avril 2017, il est à l’instigateur des premières frappes directes contre le régime de Bachar Al-Assad en Syrie, suite au bombardement à l’arme chimique d’un village rebelle. Peu après, en décembre de la même année, Donald Trump reconnaît Jérusalem capitale d’Israël, suscitant le mécontentement des Palestiniens. C’était, là aussi, l’une de ses promesses de campagne. Plus récemment, ce sont deux traités de normalisation des relations entre les puissances du Moyen-Orient qui illustrent une politique extérieure très interventionniste de la part de l’administration Trump. Le premier est un accord de normalisation des relations entre le Bahreïn, les Etats Arabes Unis et Israël, officialisé en septembre 2020 et qualifié d’ « historique ». Pourtant, il est loin de faire consensus : les tensions avec la Palestine se sont accrues dans les jours qui ont suivi, et d’autant disent que cet accord serait source à diviser davantage le monde arabe, d’ors et déjà bien fragmenté. Le second accord de normalisation est signé le 23 octobre 2020 entre Israël et le Soudan, mettant fin à des décennies de conflits entre les deux puissances. Cette fois-ci encore, l’accord est source de divisions au sein du Soudan : alors que certains y voient une opportunité économique et la chance de pouvoir revenir sur la scène internationale, d’autres le considèrent comme une trahison à la « cause pan-arabe », cristallisée par le sort de la Palestine. Une normalisation sans paix réelle donc.
Bien plus que ces traités, il va sans dire que l’une des actions les plus marquantes de son mandat relève de l’affaire Baghdadi. Dans la nuit du 26 au 27 octobre, au cours d’une opération de l’armée américaine dans la province d’Idleb, en Syrie, le chef de l’Etat Islamique refuse de se rendre et se tue en activant sa ceinture d’explosifs. Dans cette affaire aussi la verve de Donald Trump illustre sa gestion des relations internationales, lorsqu’il décrit la mort de Baghdadi : il est « mort comme un chien », affirme-t-il.
La politique étrangère de Donald Trump est donc fait de désengagements partiels et d’engagements controversés. Elle est également marquée par de fortes tensions, qui ont fait trembler le monde entier en janvier 2020, suite à la mort du général iranien Ghassem Soleimani, émissaire de la République islamique en Irak. La mort de ce général, le 3 janvier, sur ordre du président américain, a suscité de fortes réactions de la part des leaders iraniens, qui ont appelé à la vengeance. Cet événement n’a fait que tendre davantage les relations déjà dangereuses entre les Etats-Unis et l’Iran, et le monde a pu observer au cours du mois de janvier l’une des escalades les plus inquiétantes de ces dernières décennies : envoie de troupes américaines supplémentaires au Moyen-Orient, attaques sur la zone verte de Bagdad, …
III – Politique extérieure et économie : Trump et la Chine
Parce que la politique extérieure d’un pays passe également par l’économie et le commerce, il semble naturel d’évoquer ici la guerre commerciale débutée en 2018 entre les Etats-Unis et la Chine. Dans son discours de campagne du 28 juin 2016, Donald Trump, jugeant que la Chine « manipule » les marchés des devises, estime qu’elle doit être sanctionnée. Il annonce, à condition d’être élu, engager des poursuites judiciaires contre son principal rival commercial, et appliquer des droits de douanes sur les produits importés de Chine. Cette attaque verbale, mise en oeuvre au cours de son mandat, est, une fois de plus, un indicateur de l’unilatéralisme trumpiste. En effet, il remet ici en cause l’architecture même du commerce mondial, responsable selon lui, entre autres accords commerciaux, du déclin de l’industrie américaine.
Tout au long de sa présidence, Donald Trump va donc engager un bras de fer tendu avec son rival chinois. Dès le 22 janvier 2018, il instaure sur quatre ans des taxes douanières sur les machines à laver et les panneaux solaires chinois, domaine dans lequel la Chine est alors leader mondial. S’ensuivent répliques acérées entre les deux géants commerciaux : le ministre du Commerce chinois soupçonnant les Etats-Unis de subventionner la culture du sorgho, une enquête sur le dumping américain est ouverte en février 2018. En mars de la même année, Donald Trump signe plusieurs décrets, l’un interdisant l’acquisition de l’entreprise Qualcomm, spécialisée dans la mise en place de systèmes de télécommunication, par Broadcom. Cette acquisition serait, selon lui, sous influence chinoise. Il signe également un décret promettant de nouvelles taxes douanières, de 25% sur les importations d’aluminium et de 10% sur celles d’acier. Mars voit une culmination dans les sanctions réciproques de la Chine et des Etats-Unis : se sont près de 1300 pays qui sont touchés par une augmentation des droits de douane par les américains, et pas moins de 128 produits du côté chinois.
Bien que temporairement apaisées, ces tensions reprennent avec l’affaire Huawei. Début 2019, la Chine signe un projet de loi sur les investissements étrangers, afin d’empêcher tout transfert de technologie. Huawei, exclu de plusieurs appels d’offres dans de nombreux pays occidentaux, voit également certains de ses équipements démontés. La numéro deux et directrice financière de l’entreprise chinoise, Meng Wanzhou, est arrêtée au Canada. Elle est en effet soupçonnée de fraude bancaire et de conspiration ayant trait à commettre de nouvelles fraudes : elle aurait violé les sanctions appliquées à l’Iran, et volé des secrets commerciaux. En juin 2019, les négociations entre la Chine et les Etats-Unis sont stoppées, et les droits de douane augmentent à nouveau : l’Organisation Mondiale du Commerce dénonce en septembre 2020 les droits de douanes américains mis en place contre la Chine, les jugeant contraires au droit du commerce international.
Alors que Donald Trump était parvenu à embellir partiellement l’économie de son pays pré- Covid, cette guerre commerciale lancée contre la Chine n’a pu que le desservir lors des élections. En effet, l’économie américaine, dans une mauvaise passe à cause de la crise sanitaire, semble être la perdante de ce conflit économique, lorsqu’en septembre 2020 l’économie chinoise a enregistré une croissance au deuxième trimestre. Les barrières douanières entre les deux pays ont entraîné des baisses de prix sur les produits échangés, mettant en péril « le gagne-pain d’une partie de ceux à qui il〈Donald Trump〉doit sa victoire de 2016 », comme nous l’explique un article du Sunday Times paru le 10 octobre.
Que conclure ?
La politique étrangère de Donald Trump, se sont donc quatre années d’imprévisibilité, de tweets abondants au franc-parler peu diplomatique, et marquées par un unilatéralisme guidé par les seuls intérêts financiers du gouvernement américain. Ces intérêts financiers ont conduit les Etats-Unis à s’engager au Proche et Moyen-Orient, selon les alliances rapportant le plus gros butin, et à se désengager partiellement de conflits dans lesquels la Maison Blanche ne s’estimait pas suffisamment gratifiée. Ces intérêts financiers ont, de plus, mené le pays dans une guerre commerciale interminable avec le géant et rival chinois, guerre qui n’a eu de cesse de mettre à mal l’économie américaine et a sans doute contribué à l’élection de Joe Biden.
Quoi qu’il en soit, Donald Trump, bien qu’imprévisible et changeant, a su suivre ses promesses de campagne en termes de politique extérieure : placer l’Amérique au premier plan. La question qui se pose, quels Américains ont bénéficié de ce nationalisme ?
Reste enfin à savoir si le 46ème président américain saura restaurer la confiance des pays européens, sans engager d’autres conflits, avec le Brésil de Jair Bolsonaro notamment.
Sources et liens utiles
- Discours du président Donald J. Trump à la 72e session de l’Assemblée générale des Nations unies, 19 septembre 2017 — https://mr.usembassy.gov/fr/discours-du-president-donald-j-trump- la-72e-session-de-lassemblee-generale-des-nations-unies/
- Jacob MAILLET, La politique étrangère de Donald Trump : une perspective civilisationnelle ? (2018) — https://doi.org/10.4000/lisa.10132
- Kandel Maya, La politique étrangère de l’administration Trump (2020) — https://www.vie- publique.fr/parole-dexpert/273699-la-politique-etrangere-de-ladministration-trump-par-maya- kandel
- Razoux Pierre, Décryptage de l’accord de normalisation entre Israël et les Emirats arabes unis (2020) — https://fmes-france.org/decryptage-de-laccord-de-normalisation-entre-israel-et-les- emirats-arabes-unis-par-pierre-razoux/